Attention à la carpe volante !

[marcopolo]

Le bassin versant du Mississippi est le troisième plus grand du monde (après l'Amazone et le Congo). Le bassin versant des Grands Lacs est lui aussi très vaste, il contient 80% de l'eau douce de surface de l'Amérique du Nord. Ces deux grands bassins hydrographiques étaient distincts. Un poisson (ou un mollusque ou un crustacé) n'avait aucun moyen de sortir d'un bassin pour pénétrer dans l'autre.
Lorsque la ville de Chicago a résolu son problème d'eaux usées en creusant le canal sanitaire et naval, un passage s'est ouvert, reliant les deux mondes aquatiques. Au XXè siècle, pas de problème, le canal était trop toxique pour être une voie viable. Puis, grâce au Clean Water Act, la qualité de l'eau s'est améliorée et des créatures ont commencé à passer : le gobie arrondi, puis les carpes asiatiques.
Ce terme regroupe 4 espèces élevées ensemble en Chine depuis le XIIIè siècle : la carpe de roseau herbivore, la carpe argentée et la carpe à grosse tête, qui sont des filtreurs, et enfin la carpe noire qui se nourrit de mollusques. Cette complémentarité alimentaire exploitée par les Chinois leur a permis de prélever 23 milliards de kilos de carpe pour la seule année 2015.
Les carpes ont été relâchées dans le Mississippi pour lutter contre les mauvaises herbes. Après la parution de Printemps Silencieux de Rachel Carson en 1963 il était impensable d'utiliser encore des herbicides. Dans la rivière Illinois les carpes représentent aujourd'hui les trois quart de la biomasse piscicole. Maintenant, pour lutter contre les carpes on électrifie les rivières et on pêche les carpes à la tonne.
Le Corps des Ingénieurs a estimé le coup de la séparation des deux Bassins Hydrographiques pour empêcher l'invasion des Grands Lacs par les carpes à...18 milliards de dollars.
Pour paraphraser Kolbert, nous n'en sommes plus à maîtriser la nature, on en est à tenter de maîtriser la maîtrise de la maîtrise de la nature.

« Des poissons dans le désert » Elisabeth Kolbert, 2021.

[zebulon]

Globalement quoi qu'on fasse, on fera toujours des bétisses écologiques en pensant faire bien. Merci pour ta chronique Buddy ,toujours aussi interessante

[leopold anasthase]

Pour paraphraser Kolbert, nous n'en sommes plus à maîtriser la nature, on en est à tenter de maîtriser la maîtrise de la maîtrise de la nature.

Effectivement, il y a nombre d'exemples de ce type. L'effet cobra en Inde, la campagne des quatre nuisibles en Chine, l'introduction des mangoustes en Martinique…