On en revient toujours aux céphalopodes.
Peter, inquiet sur son sort, a conduit trois heures pour revoir une crevette nettoyeuse à laquelle il manquait une pince. Que Peter Godfrey-Smith, professeur de philosophie et d'histoire des sciences, en soit capable montre qu'il a une véritable empathie pour ses sujets d'étude. Il mérite qu'on le lise. Vous vous souvenez peut-être, il a participé à la description d'Octopolis, la Cité des Poulpes viewtopic.php?f=101&t=16499.
Les poulpes et les seiches sont conscients de ce que font les humains. Bret Grasse du Woods Hole Marine Biological Laboratory se fait parfois asperger par ses seiches. Quand il les observe elles sont tapies au fond de l'aquarium. Quand il s'éloigne et leur tourne le dos, il a vu dans son téléphone celles qui remontaient à la surface pour l'asperger à nouveau.
Ludovic (non, pas le notre...) Ludovic Dickel : « Comme les autres céphalopodes la peau d'une seiche s'apparente à une toile de peinture dynamique ».
Elle se compose d'une couche de cellules blanches, les leucophores, sur laquelle des millions de cellules pigmentées – les chromatophores – sont disposées géométriquement. Par contraction ou dilatation, sous la commande du cerveau, ces cellules disparaissent ou forment de petites tâches jaunes, orange, brunes ou noires, composant en une fraction de seconde un tableau complexe sur le dos de l'animal. C'est un camouflage auquel participent la forme des tentacules. Mais cette peau ne serait-elle pas aussi le reflet de leurs états intérieurs ? Les seiches communiqueraient entre elles par ces feux d'artifice sur leur peau.
Les ventouses sont dotées de capteurs chimiques. Lorsque le bras d'un poulpe touche votre doigt, il le goûte. Sa peau serait sensible à la lumière, son corps entier pourrait être capable de détecter l'intensité de la lumière mais aussi les changements, les ombres et peut être les teintes.
Les seiches endormies connaitraient un état ressemblant beaucoup à notre sommeil paradoxal (REM rapid eye movement). Dans celui-ci elles agitent leurs bras, bougent leurs yeux et produisent des motifs inhabituels sur leur peau. Pourtant 600 millions d'années (notre dernier ancêtre commun) nous séparent.
Le sexe des poulpes est difficile à déterminer. Je vous donne un truc. Les mâles se déplacent souvent en protégeant le troisième bras à droite. Sous celui-ci se trouve un conduit utilisé pour l'accouplement et les mâles ont tendance à ne pas exposer ce bras autant que les autres.
Le poulpe a un cerveau principal et 8 cerveaux accessoires, un dans chaque bras. Les relations entre ces cerveaux font encore débat. Le poulpe aurait plusieurs « soi ». Les cellules nerveuses des bras sont connectées au cerveau central mais aussi latéralement, les uns aux autres, par les sommets des bras. Donc un poulpe c'est : 1 ou 1+8 ou 1+1, si, dans ce dernier cas, les systèmes nerveux des bras forment un grand réseau équivalent à un deuxième cerveau.
« La seiche à fleur de peau » Mathias Germain, La Recherche, La cognition animale, juillet/sep 24
« L'odyssée de la Conscience » Peter Godfrey-Smith, Flammarion 2024.